- NEURO-IMMUNOLOGIE
- NEURO-IMMUNOLOGIENEURO-IMMUNOLOGIEOn désigne par neuro-immunologie l’étude des relations entre immunité et système nerveux, à l’état normal comme au cours des diverses maladies humaines ou animales. Deux observations, toutes deux faites à Paris au XIXe siècle, sont à l’origine de la neuro-immunologie. La première est la description par Cruveilhier (1835) des lésions anatomiques d’une nouvelle maladie du système nerveux, maladie qu’un célèbre neurologue de l’hôpital de la Salpêtrière, Jean-Martin Charcot, décrira parfaitement une trentaine d’années plus tard: la sclérose en plaques. Peu après, Louis Pasteur utilise le premier vaccin contre la rage, vaccin réalisé à partir du tissu nerveux de lapin: la maladie est enrayée, mais presque aussitôt apparaissent des accidents paralytiques graves, terrible paradoxe d’une maladie neuro-immunologique induite par un geste thérapeutique destiné à sauver la vie.C’est seulement en 1933 que Rivers apportera l’explication de ces accidents, en produisant une maladie du même type chez le singe par injection de son propre tissu nerveux: l’encéphalomyélite allergique expérimentale, véritable autodestruction du système nerveux. Les relations entre le système immunitaire qui défend l’organisme contre les agressions (notamment infectieuses) et le système nerveux sont très particulières. Il existe apparemment de nombreuses ressemblances entre cellules nerveuses (neurones) et cellules immunitaires (lymphocytes). Leur nombre est considérable (1010 neurones et environ 1012 lymphocytes chez l’homme), et ces cellules sont dotées de mémoire: elles reçoivent des messages biochimiques, les décodent, les modifient et les transmettent à d’autres cellules. Cependant, ces deux systèmes ne sont pas en relation directe: chez le sujet normal, il n’existe pratiquement aucune défense immunitaire à l’intérieur du système nerveux. Cette structure demeure isolée par des barrières anatomiques (les enveloppes méningées et les parois des vaisseaux cérébraux) du système immunitaire général (sang et lymphe), ce qui explique sans doute les caractères très particuliers des maladies neuro-immunologiques.Au cours de celles-ci, deux mécanismes immunologiques peuvent intervenir:– une altération des barrières anatomiques qui permet le passage de cellules et d’immunoglobulines (c’est-à-dire d’anticorps) en quantité plus ou moins grande: c’est la transsudation ;– le passage sélectif de cellules immunologiques à travers les parois des petits vaisseaux cérébraux (sans qu’il y ait, comme précédemment, effraction anatomique), cellules qui vont synthétiser sur place des anticorps: c’est la synthèse locale .Ces deux mécanismes peuvent intervenir séparément ou s’associer. L’étude des maladies neuro-immunologiques va donc procéder de la comparaison de l’immunité générale (jugée sur l’analyse du sang ) et de l’immunité locale (jugée sur l’étude du liquide céphalo-rachidien ). Le liquide céphalo-rachidien (LCR) est généralement recueilli par la ponction lombaire: on doit le considérer comme le troisième milieu intérieur de l’organisme (après le sang et la lymphe), et c’est le milieu propre aux cellules nerveuses. Son analyse revêt donc un intérêt considérable, et, malgré les inconvénients mineurs de la ponction lombaire, celle-ci doit être acceptée car elle représente l’étude biochimique la plus précise de l’environnement des cellules nerveuses.Diverses méthodes chimiques permettent des examens très approfondis du LCR et, notamment, le dosage des immunoglobulines et celui d’assez nombreux anticorps, en particulier bactériens, viraux, parasitaires, ou dirigés contre les acides nucléiques ADN et/ou ARN.On a pu réaliser chez l’animal deux grands types de maladies neuro-immunologiques expérimentales:– l’encéphalomyélite allergique expérimentale, maladie généralement aiguë et mortelle, obtenue par l’injection de substance cérébrale (ou de certains fragments protéiques) à l’animal;– la polyradiculonévrite allergique expérimentale, paralysie des nerfs périphériques réalisée par l’injection de tissu nerveux extrait de nerfs périphériques.Dans ces deux cas, les meilleurs antigènes ont été obtenus à partir de la substance blanche (la myéline) du tissu nerveux.Les maladies neuro-immunologiques humaines sont extrêmement nombreuses:1. Les encéphalites virales , qui peuvent être aiguës (exemple: encéphalite de l’herpès), ou subaiguës (exemple: la panencéphalite sclérosante subaiguë due au virus de rougeole, qui atteint généralement les enfants d’âge scolaire). On rapproche de ces encéphalites les très rares accidents neurologiques survenant au décours de maladies infectieuses banales (rougeole, varicelle, rubéole) et les exceptionnels accidents neurologiques liés à certaines vaccinations (rage-variole), car dans ces deux cas la maladie est une réaction auto-immune (sensibilisation au tissu nerveux) et non le fait du virus lui-même.2. La sclérose en plaques , maladie dont on ignore toujours la nature exacte, qui atteint électivement la substance blanche, c’est-à-dire la myéline: on utilise souvent le terme de «maladie démyélinisante» pour la désigner. C’est la plus fréquente des maladies neuro-immunologiques: on estime qu’elle a atteint environ 40 000 Français, et elle représente la plus grande cause de handicap neurologique chez l’adulte jeune.3. Les infections virales lentes du système nerveux (slow virus infections ), ensemble de maladies animales et humaines encore très mystérieux, dont l’existence a été démontrée par Carleton Gajdusek (Prix Nobel de physiologie et médecine 1976) qui a pu transmettre au singe une maladie caractérisée par une démence associée à des troubles neurologiques (maladie de Creutzfeldt-Jakob), considérée jusqu’alors comme «dégénérative», car elle ne comporte aucune anomalie immunitaire décelable.4. Les tumeurs cérébrales , de types très divers, dont le mécanisme demeure encore totalement inconnu, et les affections neurologiques, dites paranéoplasiques, c’est-à-dire liées plus ou moins directement à l’existence d’un cancer dans un autre organe.5. Les polyradiculonévrites (en particulier le syndrome de Guillain-Barré), maladies inflammatoires (et, sans doute, assez souvent infectieuses) des nerfs périphériques qui réalisent des paralysies aiguës régressives et, en règle générale, non récidivantes.6. Le système nerveux peut être également atteint au cours de diverses maladies immunologiques: le lupus érythémateux disséminé, la sarcoïdose, l’arthrite rhumatoïde, la périartérite noueuse, l’amyloïdose primitive, et les uvéo-névraxites, une origine virale étant fortement soupçonnée pour ces dernières. Diverses hémopathies malignes (myélome, leucémies) peuvent également s’étendre au système nerveux.7. Enfin, l’existence d’un trouble immunitaire a été démontrée au cours d’une maladie neuro-musculaire, la myasthénie , et il est extrêmement probable qu’il en est ainsi au cours de diverses maladies musculaires, en particulier polymyosites et dystrophie myotonique.
Encyclopédie Universelle. 2012.